Macroglossum stellatarum (Linnaeus, 1758)
Sphinx stellatarum Linnaeus, 1758, Syst. Nat. (10ème édition) 1: 493.
Localité type: Non précisé [Europe]
Le Moro-sphinx ou Sphinx colibri.
Anglais: Hummingbird hawkmoth; Allemand: Taubenschwänzchen; Castillan: Esfinge cola de paloma.
Taxinomie
Pas de problème de détermination pour cet insecte très peu sujet à fluctuation. Faible polymorphisme, parfois des individus un peu plus pâles ou un peu plus sombres que la moyenne.
Distribution
Monde: vol en Europe du sud et en Afrique du nord, traverse l’Asie centrale, remontant au nord jusqu’en Mongolie et atteignant le Japon. Difficile de vraiment distinguer les zones où il est résident et ses zones de migration. Au nord, il atteint l’Islande, au sud il descend jusqu’au sud de l’Inde et la Gambie. Un étonnant exemplaire signalé d’Alaska par Mike Van Buskirk (in Tony Pittaway http://tpittaway.tripod.com/sphinx/)
Mike Van Buskirk me confirme qu’il a cédé ce spécimen, provenant d’Unimak Island (Aleutian Island) à Jean Marie Cadiou. Il se trouve donc actuellement dans la collection du NHM (London). C’était à ma connaissance le seul spécimen connu du nouveau monde jusqu’à cette étonnante photo d’un exemplaire butinant une fleur de Raphanus sativus à Puente Hills (Whittier ou Haceinda Heights), Los Angeles County, California, USA, photo prise le 17 avril 2017 par Ben Smith (Edna Steward Woodward com. pers.) . Le parfait état de conservation du spécimen et ses couleurs éclatantes laissent supposer que l’insecte est éclos sur place, et qu’il ne s’agit pas d’un migrant.
France: partout, mais probablement résident dans la moitié sud, où l’insecte hiberne à l’état imaginal.
Plantes-hôtes
Surtout Rubiaceae des gennres Galium et Rubia mais aussi Jaubertia, Centranthus et Epilobium.
Probablement le sphinx de France le plus fréquemment observé. Son activité diurne, mais aussi sa répartition en sont bien évidemment la cause. Macroglossum stellatarum vole partout et pratiquement toute l’année. Je l’ai observé aussi bien sur les plages du littoral atlantique en plein mois d’août qu’au dessus de 2000 mètres dans les Pyrénées. Le moindre réchauffement le fait ressortir de son hibernation, et à Laplume on peut le rencontrer en décembre ou janvier après une belle journée comme nous en avons de plus en plus. On le voit alors voler face aux vieux murs en pierre de nos maisons, recherchant probablement l’anfractuosité pour poursuivre son hibernation.
C’est cette répartition spatio-temporelle qui en fait le Sphingidae le plus commun de France. Il est aussi à l’origine de ces fameux oiseaux mouches français, que l’on me signale si souvent.
L’insecte vole normalement de la fin mars à novembre en générations continues. Les années chaudes, comme 2018 et 2019, le papillon fut commun dès la fin du mois de février. La carte de répartition que produit Tony Pittaway (1993, 134) me semble lourdement sous estimée. Il considère en effet que l’insecte n’est résident que dans une toute petite frange du sud de la France. Je pense pour ma part que notre moro-sphinx est capable d’hiberner sur plus de la moitié sud de la France (en dessous d’une ligne passant par Orléans). Je ne parle évidemment pas des individus qui hibernent dans les habitations, ce qui se produit sur l’ensemble du territoire. Le réchauffement climatique en est peut-être la cause, mais il semble vraiment que cet insecte est devenu beaucoup plus commun depuis une quinzaine d’années, et j’observe les Sphingidae depuis 1967.
M. stellatarum vole une heure environ après le début du jour, et débute son activité alimentaire. Il butine toutes les fleurs nectarifères, avec une préférence pour les fleurs roses, violettes ou bleues. C’est nettement les Buddleja et les Centranthus qui ont sa préférence dans mon jardin, mais il apprécie aussi les Jasminum, Phlox, Verbena, Syringa et même les Pelargonium. Il est connu pour sa forte capacité de mémorisation, un individu retournant jour après jour à la même fleur (et à la même heure) (Heinig, 1987).
Je l’ai vu voler jusqu’à la tombée de la nuit, et à Laplume il est assez commun d’observer les derniers moro-sphinx volant en compagnie des premiers Proserpinus proserpina, juste à la tombée de la nuit devant les fleurs de Centranthus ruber.
L’adulte pond sur différentes espèces de Rubiaceae appartenant aux genres Rubia et Galium. C’est nettement Galium mollugo qui a sa préférence, et si dans la nature je n’ai jamais trouvé sa chenille sur le gaillet grateron (Galium aparine) si commun dans nos sous-bois, j’ai souvent observé sa femelle pondant sur cette plante dès la fin du mois de février (voir galerie). La chenille accepte sans problème cette plante en captivité, et elle change alors de couleur, virant au vert sombre.
Cette chenille peut être extrêmement commune sur le Gaillet blanc à partir de la mi mai (et parfois bien avant, les années les plus chaudes), choisissant des plants très ensoleillés et de préférence isolés du reste de la végétation. Plus exactement, c’est sur ces plantes que pondent préférentiellement les femelles. En L5 cette chenille présente de nombreuses formes allant du gris pale au vert sombre. Elle peut être fortement lignée longitudinalement, surtout la forme vert émeraude, et il existe même une forme pourpre, qui n’est absolument pas une forme de prénymphose, mais bien une chenille qui s’alimente. Par contre, juste avant la chrysalidation, toutes les formes virent au même brun vineux.
3 types de coloration de la chenilles L5 de Macroglosssum stellatarum sur Rubia peregrina, Laplume (47) France © Jean Haxaire
La chenille présente un développement ultra rapide, et fait preuve d’une extrême voracité. J’ai rarement vu une chenille de Sphinx manger aussi vite, à part peut être celle d’Hyles euphorbiae. La chrysalide, beige pâle marquée de noir, éclot en moins de 3 semaines.
Signalons que la revue « La Hulotte » à consacrée un volume à ce ravissant petit Sphingidae, magnifiquement illustré comme à l’habitude par la plume de Pierre Déom. Je conseille vivement la lecture de ce remarquable travail à toute personne soucieuse de mieux connaître notre moro-sphinx.