Prospecter

Prospecter en vue de récolter/photographier des Sphingidae demande une petite expérience, mais l’apprentissage est rapide, surtout si la motivation est là.

On peut rechercher les Sphinx à tous les stades, de l’oeuf à l’imago.

L’oeuf

J’ai déjà traité de cette recherche dans la rubrique élever. Cette recherche nécessite un assez bon niveau en botanique. En fait, la majorité des entomologistes de terrain sont de bons botanistes. Apprenez déjà à reconnaître les plante, si ça n’est pas encore le cas. Puis, lancez vous. Sachez toutefois que cette recherche est fastidieuse, vous allez passer des heures à retourner des milliers de feuilles pour récolter (si tout va bien) quelques œufs, parfois quelques dizaines.

Les oeufs sont presque toujours pondus sous les feuilles. La femelle choisit les feuilles terminales, parfois même les bourgeons des futures feuilles ou fleurs. Certains Sphingidae pondent sous les bractées supportant les fleurs, c’est le cas du Sphinx de l’Euphorbe. Les œufs sont alors bien visibles, souvent par deux ou trois.

Macroglossum stellatarum oeuf Le Nondieu (47)
Oeuf de Macroglossum stellatarum trouvé sur Galium aparine en observant la femelle pondeuse. © Jean Haxaire

Comme je le disais dans la rubrique « élever », il faut comprendre les papillons, pour deviner où une femelle ira pondre. Vous verrez vite que les Sphinx longent les axes de circulation, les routes, les chemins, les ruisseaux. Après, il est nettement plus aisé de trouver son bonheur sur un pied isolé que dans cinq hectares de la plante-hôte. Une pratique très productive est d’observer le comportement des papillons. Par exemple, suivre des yeux le vol d’une femelle de Moro-sphinx permet bien souvent de voir où elle pond. Les femelles qui pondent ont un comportement très caractéristique, elles se positionnent à l’extrémité des plantes sans cesser de voler, recourbent leur abdomen dans une position que l’on apprend vite à identifier. Il suffit de la suivre pour collecter les œufs les uns après les autres. J’utilise également cette technique pour les deux Hemaris.

Les chenilles

Pas forcement plus facile, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, et souvent même moins productif. En effet, la prédation est rude pour les chenilles de Sphinx, et les petites chenilles n’y échappent pas. Par exemple, j’ai toujours trouvé beaucoup plus d’oeufs d’Hemaris fuciformis que de chenilles, ou alors je trouve des L1 / L2. De plus, il faut savoir que trouver une chenille adulte, si c’est fort agréable, ne signifie pas avoir le papillon, car le taux de parasitisme peut être très élevé. C’est le cas avec notamment Hemaris tityus, pour lequel j’ai globalement un taux de 80% de perte, obtenant en général de belles mouches tachinaires.

Certaines chenilles restent sur la plante qu’elles consomment. Elle seront localisées en repérant soit les branches dénudées, soit les crottes au sol. La plus facile de toute est Smerinthus ocellata, que je trouve systématiquement en juin juillet le long des routes. Celles d’Hyles euphorbiae et d’Hyles vespertilio sont également très simples à localiser.

Groupe de chenilles L4 d'Hyles euphorbiae, France, Jujols (66)
Les chenilles d’Hyles euphorbiae sont incroyablement visibles (couleurs prémonitrices) aux extrémités des grandes Euphorbes Euphorbia characias © Jean Haxaire

Certaines chenilles quittent la plante pour se cacher au pied de la plante, le long de la tige ou  sous une pierre. Hyles hippophaes a cette habitude, mais aussi Proserpinus proserpina et Deilephila elpenor. Pour les deux derniers, j’ai pris l’habitude de ne les chercher qu’en fin d’après midi, voir à la tombée de la nuit. Lorsque la température descend, leurs chenilles montent le long des épilobes pour en consommer les inflorescences et les jeunes fruits. Elles sont alors très faciles à repérer. Les chenilles d’Hyles vespertilio adultes (L5) se positionnent en fin de matinée sur les pierres au pied des Epilobium dodonaei probablement pour se chauffer au soleil.

Les chysalides

Je n’aime pas trop cette recherche que je juge très agressive pour l’environnement, et qui consiste à creuser autour des arbres et des plantes, pour déterrer d’éventuelles chrysalides. Outre le fait que l’on ne trouve que très rarement ce que l’on cherche (la seule chrysalide facile à trouver de la sorte est celle de Mimas tiliae), le sol entourant la plante est retourné, la mousse décollée, l’entomofaune plus que dérangée. Bref, je ne ferai pas la promotion de la méthode.

Les papillons

Les trois espèces diurnes (Macroglossum et Hemaris) se collectent au filet devant les plantes. Il faut apprendre à reconnaître les bonnes fleurs, mais la liste est longue. Les Silene, Lychnis, Saponaria, Phlox, Mirabilis sont très attractives, mais dans mon département, la sauge des prés (Salvia pratensis) est de loin la plus productive d’autant qu’elle est en fleurs à la période idéale (mai-juin). Juste derrière vient la valériane  (Centranthus ruber) où se succèdent les Macroglossum. Le buddleia (Buddleja sp.) est également excellent. Il vous restera à repérer la bonne heure, qui dépend de la latitude. Dans le sud, les insectes sont actifs plus tôt le matin, avant les grandes chaleurs. Proserpinus proserpina vole à la fin de la journée, devant les sauges tout juste abandonnées par les Macroglossum.

Hyloicus%20pinastri%20Proserpinus proserpina imago au vol France Le Roc Laplume (47)Le Roc 12 mai 2008 light

Sphingidae devant fleurs: Sphinx pinastri devant Silene vulgaris © Szabolcs Safian, Proserpinus proserpina et Hemaris fuciformis devant Salvia pratensis © Jean Haxaire.

Les espèces nocturnes seront le plus souvent attirés par une source de lumière, le plus souvent une ampoule à vapeur de mercure mais de plus en plus souvent une ampoule de type métal halide (MH). La lampe est disposée devant un mur blanc si l’on est chez soi ou devant un drap blanc. C’est le piège lumineux.

Chasse UV 2 en République DominicaineChasse UV en République Dominicaine

Chasse UV en République Dominicaine, Monseñor Nouel ,15 août 2007, matériel utilisé: groupe Honda EM350, ampoule UV 125W verre clair et ampoule UV « confort » 80W.  © Jean Haxaire

Je ne vais pas m’étendre sur les différents types de piège, sur les ampoules ou tubes qui seront source de rayonnement UV, chaque prospecteur ayant sa méthode de prédilection, et les modèles ne manquent pas. De plus en plus, on voit apparaitre des dispositifs utilisant des LED et une batterie lithium, modèle ayant l’avantage d’être ultra léger et de pouvoir être porté dans un sac à dos.

Pour ma part, j’utilise depuis toujours un groupe électrogène portatif, et je pense avoir eu dans ma vie la gamme Honda dans son intégralité. Actuellement, le Honda EU1000 est le modèle le plus fiable, mais on trouve désormais des copies de l’objet dans les grandes enseignes de bricolage, trois fois moins chers et semble t-il très efficaces.

Je montre ci-dessous quelques résultats obtenus avec cette technique.

chasse UV à Bornéo, SabahChasse UV en Thailande

Chasse UV en Malaisie, Bornéo, Sabah, piste de Keningau à Kimanis, pk 28,5   1300m, 10 VIII 1991 et Thailande, Chiang Mai, Road to the Ang Kang Nature Resort, Doi Ang Kang, 1790m, 19°52’049’’N, 99°03’118’’W, 17 VIII 2001, deux ampoules UV verre clair 125W © Jean Haxaire

Les papillons peuvent être sacrifiés s’il s’agit d’un objet d’étude, photographiés sur place (attention, les UV modifient fortement les couleurs) ou conservés pour un cliché le lendemain à la lumière naturelle (l’idéal) ou s’il s’agit de femelles dont on souhaite obtenir les œufs. Il est fondamentale d’apporter en chasse de nuit quelques cages à ponte, ou l’on disposera l’insecte avec sa plante-hôte qui bien souvent stimulera le début de la ponte. J’utilise depuis très longtemps un modèle qui se déplie en ressort acheté chez IKEA et dont le but premier est de recueillir le linge sale. Je pense que tous les entomologistes visitant l’enseigne ont immédiatement pensé à ce singulier détournement de l’objet.