Hyles vespertilio (Esper, 1779)
Sphinx vespertilio Esper, 1780, Die Schmetterlinge 2: 178.
Localité type: Verone, Italie du nord.
Le Sphinx chauve-souris, ou Sphinx cendré
Anglais: Bat Hawkmoth; Allemand: Fledermausschwärmer
Taxinomie
Impossible de confondre cette espèce avec un autre membre du genre Hyles. Cette combinaison de gris souris et de rose est même unique chez les Sphingidae. L’espèce pourrait pratiquement justifier son placement dans un genre à part.
Distribution
Monde: du sud-est de la France à l’ouest de l’Ukraine, traversant le sud de l’Allemagne, le sud de la Pologne, la Suisse, l’Autriche, la République Tchèque, la Slovaquie, l’Italie du nord. L’insecte redescend de l’Autriche au nord de la Grèce au travers de la Hongrie, la Yougoslavie et la Bulgarie. On le retrouve en Turquie, où sa distribution entoure la Mer Noire, remontant jusqu’à la Russie en traversant le Caucase. Une étonnante population a été signalée des montagnes du Liban (Pittaway, 1993: 151)
L’insecte vient d’être retrouvé en Suisse dans le canton de Genève dans la plaine alluviale de l’Allondon vers 400 m d’altitude (Baumgart & Pastore, 2011: 109-110) où il n’est pas rare entre le 21 mai et le 2 juillet. Dans cette station, la plante hôte est comme ailleurs E. dodonaei (Maxime Pastore, com. pers.)
France: voir ci-dessous
Plantes-hôtes
Onagraceae, surtout Epilobium dodonaei (ex Epilobium rosmarinifolium). En captivité, elle accepte parfois d’autres espèces du genre Epilobium (voir ci-dessous). Les Galium et Oenothera signalés par certains auteurs seraient à vérifier.
Cette espèce est localisée, mais j’ai rarement vu en France un Sphingidae aussi abondant quand on tombe dans le bon biotope à la bonne période. Les pentes et éboulis alpins fortement ensoleillés de moyenne à haute altitude, où pousse sa plante de prédilection, l’Epilobium dodonaei, constituent son habitat préférentiel.
L’adulte vole de la fin mai à la mi juillet selon l’altitude, et en période d’éclosion, il en arrive de grandes quantités aux lampes U.V., fait que je n’ai observé qu’avec D. porcellus. Lorsqu’à la mi-août ses chenilles sont bien développées, il m’est arrivé d’en trouver une bonne centaine sur les pieds d’E. dodonei en moins de 2 heures de recherche. Il n’est bien entendu pas questions de prélever dans le milieu de telles quantités d’insectes, et je parle bien là d’observations.
H. vespertilio est un insecte impossible à confondre avec les autres Hyles de France de par son habitus pour le moins inédit. Ses ailes antérieures uniformément gris souris, et ses postérieures rose tendre lui confère un aspect doux et velouté particulièrement harmonieux.
Il vole en début de nuit, et semble très sensible aux lampes U.V.
L’élevage n’est pas des plus aisés sans être toutefois difficile. La chenille consomme surtout les fleurs d’Epilobe, et cela demande un changement permanent, ces fleurs fanant rapidement après cueillette. Il est très difficile de leur faire accepter une autre espèce d’épilobe (angustifolium, hirsutum…) et je regarde avec la plus grande défiance les plantes proposées par Tony Pittaway (1993: 150) qui mentionne Oenothera sp. et Galium sp.. J’ai eu en élevage des chenilles adultes et bien affamées, mais qui préféraient mourir de faim que de toucher une feuille ou une fleur d’angustifolim. Toutefois, en août 1993, j’ai réussi un bel élevage sur Epilobium tetragonum, à partir de chenilles L4 et L5 prélevées sur le terrain en Isère (38). Pascal Régnier (com. pers.) me signale avoir élevé l’espèce de l’œuf jusqu’en L3 sur Epilobium parviflorum pour ensuite les passer avec succès sur E. hirsutum en les laissant jeûner une à deux journées.
Adulte, la chenille se déplace dans sa cage plusieurs jours avant de se nymphoser. Rien de ce que j’ai pu leur proposer n’a semblé vraiment leur convenir. J’ai pourtant tenté la terre aérée, caillouteuse, sablonneuse, avec débris végétaux, mousse, feuilles mortes, et le tout dans de très grands espaces. J’ai certes obtenu des chrysalides, mais j’ai eu l’impression que la chenille s’arrêtait d’épuisement et non pas parce qu’elle avait trouvée le lieu favorable. Une année, j’ai curieusement eu un taux de décès considérable durant l’hiver, mes chrysalides durcissaient, perdant toute mobilité tandis que des taches sombres apparaissaient un peu partout sur leur corps. Je n’avais jamais rencontré ce genre de problème avec d’autres espèces du genre. Toutefois, en 1993, j’ai eu 100% d’émergence en conservant mes chrysalides dans un mélange de tourbe et sphaigne légèrement humidifié chaque semaine.
Malgré ces problèmes et grâce au fait que cette chenille est abondante, il n’est pas trop difficile d’obtenir des exemplaires splendides et de très grande taille.
A noter que Daniel Chanselme et Jean Michel Bompar ont récolté sur Epilobium dodonai des chenilles hybrides provenant du croisement Hyles vespertilio femelle X Hyles hippophaes mâle en juillet 1998 sur le Mont Dauphin (Hautes Alpes) qui ont donné deux mâles adultes absolument parfaits, étonnants intermédiaires entre deux espèces si différentes.
En France, H. vespertilio vole dans les zones alpines de moyenne à haute altitude, et personnellement je l’ai trouvé de 1300 à 2000 mètres d’altitude, partout où pousse sa plante nourricière. Il est connu de l’Hérault (34) (citation la plus à l’ouest) à la Côte-d’Or (21) et se prolonge à l’est jusqu’à la frontière italienne. De très anciennes citations le mentionnent du Haut-Rhin (68). Il vient très bien au piège lumineux en juin-juillet, et sa chenille est encore plus facile à trouver. La présence de l’insecte dans les Pyrénées demeure pour moi une grande énigme. Elle est pourtant citée des Pyrénées-Orientales (66) par Dufay (1961: 39) qui donne comme localités Villefranche-de-Conflent. Le signalement est attribué à Dumez (1955, 1959). Le problème est que dans ces deux publications, intitulées respectivement « Notes de chasse » et « Captures intéressantes » il n’est absolument pas fait mention d’Hyles vespertilio. D’où Claude Dufay tenait-il son information, le mystère reste entier. Pour avoir très souvent prospecté dans cette zone des Pyrénées Orientales, j’avoue ne pas croire du tout à cette citation. Plus récemment, une photo a circulé sur le web, celle d’une chenille d’Hyles vespertilio observée dans les Hautes-Pyrénées (65). J’ai finalement pu joindre l’auteur du cliché, Jean-Joseph Démotier, qui m’a donné avec beaucoup de complaisance l’information précise. La chenille a été observée et photographiée en août 1996 « dans le cirque d’Estaubé entre celui de Gavarnie et celui de Troumouse » plus précisément « le long du chemin qui part du lac des Gloriettes et monte dans le cirque le long du petit ruisseau ». L’auteur du cliché ajoute « C’était plutôt vers le fond avant que la pente ne devienne trop raide ». Il n’en fallait pas plus pour me lancer sur la piste du vespertilio pyrénéen. J’ai donc consacré une semaine d’août 2015 à cette recherche, arpentant ce fameux sentier à la recherche de tout indice signalant la présence de notre Sphingidae, hélas sans le moindre succès. Ce qui me gène le plus, est que je n’ai pas vu dans tout ce secteur, non seulement Epilobium dodonaei mais pas la moindre autre espèce d’épilobe. Plus gênant est le fait qu’E. dodonaei n’est pas connue des Pyrénées (David Demergès com. pers.). Durant cette semaine, j’ai recontacté à plusieurs reprises Jean-Joseph Démotier parce que face à un tel échec, on soupçonne forcément une erreur de localisation du cliché. Je lui ai même demandé les trois clichés originaux afin d’en vérifier les données Exif qui m’auraient permis de les dater avec certitude (et donc de recouper avec les voyages de Mr Démotier). Hélas, les photos avaient été compressées et renommées. Toutefois, ce dernier a été formel, et je n’ai pas de raison de douter de ses souvenirs. Il est donc à l’heure actuelle le seul observateur d’Hyles vespertilio dans les Pyrénées françaises et il serait du plus grand intérêt de confirmer cette présence.