Daphnis nerii

 

Daphnis nerii femelle
Daphnis nerii femelle
Daphnis nerii mâle
Daphnis nerii mâle

Daphnis nerii (Linnaeus, 1758)

Sphinx nerii Linnaeus, 1758, Syst. Nat. (Edn 10) 1: 490.

Localité type: non spécifiée [Europe].

Le Sphinx du laurier-rose

 

Anglais: Oleander Hawkmoth; Allemand: Oleanderschwärmer; Castillan: esfinge de la adelfa

Taxinomie

La seule espèce qui lui ressemble est le Daphnis kitchingi Haxaire & Melichar, 2014 endémique de Madagascar, espèce qui cohabite avec D. nerii. Le motif du dessus des ailes antérieures de D. kitchingi est identique à celui de D. nerii, mais une différence nette permet de séparer les deux insectes : la plage basale vert sombre qui orne cette aile sur 8 à 10 mm est régulièrement arrondie sur sa zone distale, revenant franchement en arrière vers la costa. Chez D. nerii, cette plage est logiquement plus claire, mais surtout elle rejoint la costa en s’incurvant doublement, d’abord vers l’arrière puis vers l’avant.

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Critère distinctif entre les 2 espèces de Daphnis: à gauche, D. kitchingi. A droite, D. nerii © Jean Haxaire

Distribution

Monde: Il est très difficile de dégager la répartition réelle de ce migrant. On séparera les zones où il est résident et se reproduit, et les zones qu’il gagne régulièrement où occasionnellement lors de ses vols migratoires, mais où il ne peut s’installer durablement, même s’il y produit une génération.

Bien installé dans toute l’Afrique, Madagascar, La Réunion,  la Péninsule Arabique, le pourtour méditerranéen, le Moyen Orient, l’Afghanistan, et le Turkménistan. De là, il gagne le Pakistan et l’Inde du sud et du centre, puis l’Asie du sud est, (Thaïlande, Laos (Alex Teynié sous presse), Vietnam, Cambodge), le sud de la Chine et les Philippines. Il est connu du Japon, et depuis peu de Hawaï. Il vole aussi dans les grandes îles de la Sonde (Bornéo, Sumatra)

France: potentiellement partout, mais nettement plus fréquent le long de la méditerranée.

Plantes-hôtes

Nerium oleander (plante majeure), mais aussi Vinca, Vitis, Gardenia, Asclepias, Jasminum, Trachelospermum, Amsonia, Carissa, Tabernaemontana, Mangifera, Rhazya, Adenium, Catharanthus, Ipomoea et Thevetia (Pittaway).

Apercevoir en France cette splendeur est un moment unique, et rare. D. nerii est un migrateur en provenance d’Afrique, où il est par contre extrêmement commun. Sa répartition est considérable, et visiblement ce voilier puissant gagne du terrain puisqu’il s’est récemment installé à Hawaï. Je l’ai collecté aux Philippines, sur l’île de Luzon et Jacques Hecq (com. pers.) m’a récemment signalé une capture en Guyane Française. Si le fait était avéré, il s’agirait du premier signalement de cette espèce dans le nouveau monde.

Daphnis nerii arrive en France en mai-juin, produisant alors une seconde génération surtout sur le pourtour méditerranéen. Selon Pittaway (1993, 115) ce sont deux vagues migratoires qui atteignent notre pays, l’une en juin, l’autre en août.

Cela revient à dire qu’il est possible de trouver D. nerii partout, mais que cette rencontre est exceptionnelle. Il est toutefois évident que vivre le long de la côte méditerranéenne offre le maximum de chance de faire connaissance avec le Sphinx du laurier-rose. Il y aurait, dans la région de Marseille, des massifs de laurier-rose qui abriteraient sa chenille chaque années. A vérifier. 

Je n’ai trouvé cette espèce qu’une seule fois en France, à Agen même, dans la cour du Lycée Jean Baptiste de Baudre (47) en juin 1996.

L’année 2016 aura été une « bonne » année à Daphnis nerii en France.  Les observations de chenilles et de papillons se sont succédées  en septembre et octobre de cette année.

-4 chenilles L5 à Poitiers (86000) dans un Jardiland début septembre 2016 (Samuel Ducept)

-1 chenille L5 à Cognac (16100) en plein centre ville le 6 septembre 2016 (Mathieu Charneau)

-1 chenille L5 à Savonnières (37510) le 28 août 2016 (Anthony Vierron)

-1 signalement de l’Isère (38) (André Lequet) (Mathieu Charneau com. pers.)

-4 chenilles L5 à Barneville-Carteret (50270) le 14 septembre 2016 (Christian Berquer)

-1 chenille L5 à Saint Vaast la Hougue (50550) le 2 octobre 2016 (Gratien)

-1 imago à Cherbourg (50100) le 21 septembre 2016 (Nicole Lepertel)

-1 signalement de la Somme (60) (Philippe Mothiron sur forum  Insecte.org)

-1 chrysalide à Salon de Provence (13103) le 8 septembre 2016 (Hugues Jourdan)

-1 chenille L5 à Arcachon (33120)  le 10 octobre 2016 (forum Insecte.org)

-1 chenille L5 à Oloron Sainte Marie (64400) le 2 octobre 2016 (Clotilde C. )

Il est très probable qu’il y en a eu beaucoup plus. C’est donc une excellente année, et le phénomène est très probablement lié aux chaleurs exceptionnelles que nous avons connues.

En 2018, tous les records ont été battus. La liste est beaucoup trop longue, et tous ces signalements feront l’objet d’un article dans la revue OREINA en 2019. Je peux juste dire ici que entre juillet et décembre de cette année, j’ai reçu plus de signalements que durant le reste de ma vie! Même en  relativisant cela par le fait que désormais, les modalités de communication sont nettement plus performantes, l’année 2018 est désormais l’année record pour Daphnis nerii en France.  Les signalements sont plus particulièrement des départements 13, 17, 26, 30, 34, 83, 84.

Sa chenille consomme principalement les fleurs et les jeunes feuilles de laurier-rose (Nerium oleander) mais elle est sensée accepter d’autres plantes comme les Vinca, Jasminum, Ipomea… Tony Pittaway (1993, 116) donne une liste encore plus longue. Comme je l’ai déjà dit, je me méfie beaucoup de ces immenses listes de plantes, souvent répétées de publication en publication mais jamais vérifiées.  Il y a une différence entre ce qu’une chenille grignote et ce qui lui permettra d’achever son cycle.

A mon avis, il doit être assez difficile de mener à terme un élevage de D. nerii sur Vinca, et d’obtenir des individus de taille normale, même s’il s’agit effectivement d’une Apocynaceae. Par contre, il est bien connu qu’elle accepte assez facilement le troène (Ligustrum sp.) en captivité.

La chenille de D. nerii élabore un cocon rudimentaire à la surface du sol, réunissant des débris végétaux et des feuilles mortes. L’éclosion est extrêmement rapide, en moins de 4 semaines. Cette chrysalide ne supporte pas l’humidité et encore moins le froid. Au dessous de 10° elle meurt rapidement ce qui rendra difficile la sédentarisation de l’espèce en France. Par contre elle semble définitivement installée en Sicile, à Chypre et en Crête (Pittaway 1993, 117).

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